Traité de la Peinture, de Léonard de Vinci
1651
Giacomo Langlois, Paris
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Si un peintre n'aime également toutes les parties de la peinture, il ne pourra jamais être universel; par exemple si quelqu'un n'a point d'inclination aux paysages, il croit que l'étude en est trop basse pour meriter que l'on s'y amuse, comme faisait nôtre ami Botticello, lequel disait quelquesfois qu'il ne fallait que jetter à l'aventure une éponge pleine de plusieurs couleurs diverses contre un mur, & qu'elle y imprimeroit une salisseure où l'on verroit un paisage.
Il est bien vrai que souvent on y remarque plusieurs inventions lors qu'on s'arreste à les éplucher, comme des visages d'hommes, des formes diverses d'animaux, des batailles, des rochers, la mer, des nuages, des bosquets, & d'autres choses semblables; de même qu'au son des cloches à qui on fait dire tout ce qui vient en la fantaisie: il en va encore ainsi de ces tàches ou salissures, qui bien qu'elles vous excitent l'imagination pour inventer, neanmoins elles n'enseignent jamais à finir & à terminer aucune chose: & ce peintre fut aussi un très-mauvais paysagiste.