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LDE FREN1651


Traité de la Peinture, de Léonard de Vinci
1651
Giacomo Langlois, Paris


Chapter

LDE T0458   CID320  320. Pourquoy les visages veus de loin paroissent obscurs

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Nous remarquons manifestement que toutes les similitudes des choses visibles que nous avons pour object, aussi bien les grandes que les petites, passent dans le sens commun par la prunelle de l'œil. Or si l'image de la grandeur de tout le ciel & de la terre peuvent bien passer par une si petite ouverture, un visage d'homme en comparaison d'une grandeur si immense n'étant presque rien, & étant encore diminüé par l'éloignement, occupe si peu de cette ouverture, qu'il demeure comme imperceptible, & devant passer encore de la superficie au dedans, où se forme son impression par un milieu obscur, c'est à dire, par le nerf optique, le conduit duquel paraît obscur; la couleur de cette espece n'étant pas bien viue, elle se corrompt dans l'obscurité de son passage, & arrivant au sens commun où elle s'imprime, elle semble obscure. On n'en savrait apporter aucune autre cause, si ce n'était que le point qui est au milieu de la prunelle de l'œil est noir, & parce qu'il est rempli d'une eau cristaline & transparente comme l'air même, & qu'il fait le même office que ferait un trou au milieu d'un ais, lequel a le regarder paraît tout noir; ainsi les choses qui sont veues dans un air clair & obscur se confondent dans l'obscurité.