Traité de la Peinture, de Léonard de Vinci
1651
Giacomo Langlois, Paris
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Les termes ou extremitez inferieures des choses lointaines, seront moins sensibles à l'œil que celles d'enhaut: & cela se void communément aux montagnes & aux collines, la cime desquelles sert de champ aux côtés des autres montagnes qui sont derriere elles: & dans les premieres on voit les parties d'enhaut plus distinctes que celles d'embas, parce que le haut est plus terminé & plus obscur, n'étant pas tant occupé ni embroüillé de l'air grossier qui regne dans les lieux bas, & qui est celui lequel confond & offusque le pied des montagnes; & la même chose arrive à l'égard des arbres & des bâtiments & de tous les autres corps qui sont élevés en l'air; d'où vient que souvent les hautes tours veues de fort loin, paraissent grosses par le sommet, & plus menues approchant de terre, d'autant que la partie d'enhaut monstre l'angle des côté qui vont terminer avec le sommet, parce que l'air pur & subtil ne les diminue pas tant que fait l'air épais, comme il a esté demonstré par la 7e. du premier, où il dit; Que l'air épais, lequel se rencontre entre l'œil & le soleil est plus lumineux en bas qu'en haut, & où l'air est plus blancheâtre, il dérobe plus à l'œil de la sensation des choses obscures, que si le même air était azuré, tel qu'il paraît en une longue distance: les creneaux des forteresses ont leurs intervalles également espacez du plein au vide, & neanmoins il paraît que l'espace vuide est beaucoup plus grand que la largeur du creneau; & dans un plus grand esloignement l'espace du vide semble occuper & couurir tout le creneau; si bien que l'enceinte de la forteresse ne paraît qu'un mur tout droit & sans creneaux.