Traité de la Peinture, de Léonard de Vinci
1651
Giacomo Langlois, Paris
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De celui qui rit, à celui qui pleure, on ne voit aucun changement aux yeux, à la bouche, ni aux joues, mais seulement la rigidité dans les surcils, lesquels se joignent à celui qui pleure, & qui sont plus hauts & plus étendus à celui qui rit. On peut faire encore que celui qui pleure defichre ses vestements, & fasse d'autres actions semblables ou differentes, selon les divers sujets de son affliction, parce que quelqu'un pourrait pleurer de colère, un autre d'apprehension, l'un de tendresse & de joye, l'autre par soupçon, quelqu'un par douleur & par sentiment de mal, un autre par compassion & regret d'avoir perdu ses parents ou ses amis; entre tous lesquels ennuis, l'un paraît entièrement desesperé, l'autre montre plus de moderation, un autre pleure, quelqu'un fait des cris, quelqu'autre leve les yeux vers le ciel, les bras pendants avec les mains jointes & les doigts entrelassez, d'autres pleins d'apprehension, haussent les épaules jusques aux oreilles, & ainsi de suite selon le sujet sousdit: celui qui verse des larmes hausse les surcils vers leur jointure, & les approche tous deux ensemble & forme des rides sur les côtés & au milieu de la bouche en bas; & celui qui rit les a hauts, & les surcils droits & bien étendus.