Traité de la Peinture, de Léonard de Vinci
1651
Giacomo Langlois, Paris
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Pour mettre bien en pratique cette perspective du changement & deperdition, ou plustôt de cet affaiblissement essentiel & decolorement des couleurs: Vous prendrez de cent en cent brasses quelques termes fixes sur la campagne, comme sont des arbres, des maisons, des hommes, ou quelque autre lieu remarquable; & quant au premier, si c'est par exemple un arbre vous aurez un verre arresté bien ferme, & votre œil aussi demeurant stable, desseignez sur ce verre un arbre suivant le même contour de celui que vous imitez, puis retirez-vous en arrière jusques à ce que l'arbre naturel vienne presqu'à confiner & paraître égal à votre dessein; aprés quoi colorissez votre dessein en telle sorte que par sa couleur & par sa forme on les puisse mettre en parangon l'un de l'autre, ou que tous les deux en fermant un œil vous semblent peints, & que ce verre soit d'une même distance; & continuez cette même regle à l'esgard des autres arbres de la seconde & de la troisiesme distance de cent en cent brasses, d'espace en espace, & que ces études vous servent comme vos aides & vos maistrès, y ayant tousjours recours en vos ouvrages, où ils seront propres, car ils auront un fort bon effet pour les lointains: mais je trouve par l'observation que j'en ai faite que le second diminue de ¼ du premier, lequel en serait éloigné de vingt brasses.