Bien que le mêlange des couleurs l'une avec l'autre soit d'une étendue presque infinie, je ne laisserai pas pour cela d'en toucher ici legèrement quelque chose, establissant premièrement un certain nombre de couleurs simples pour seruir de fondement, & avec chacune d'elles, mêlant chacune des autres une à une, & puis deux à deux, & trois à trois, poursuivant ainsi jusques au mêlange entier de toutes ensemble: puis je recommencerai à remêler ces couleurs deux avec deux, & trois avec trois, & puis quatre à quatre, continuant ainsi jusques à la fin: sur ces deux couleurs on en mettra trois, & à ces trois on y en ajoustera trois, & puis six, allant toujours augmentant de suite en la même proportion: or j'appelle couleurs simples celles qui ne sont point composées, & ne peuvent être faites ni supplées par aucun mêlange des autres couleurs: le noir & le blanc, quoi qu'ils ne soient point contez entre les couleurs, l'un representant les tenebres & l'autre le jour; c'est à dire, l'un étant une simple privation, & l'autre le producteur: mais pour cela je ne les veux point laisser en arrière, veu qu'en peinture ils sont les plus necessaires, toute la peinture n'étant qu'un effet & une composition des ombres & des lumières, c'est à dire de clair & d'obscur. Aprés le noir & le blanc vient l'azur, puis le vert, & le tanné, ou l'ocre de terre d'ombre, apres le morel ou pourpre & le rouge, qui font en tout huit couleurs, & il n'y en a point d'avantage dans la nature, desquelles je vais commencer le mêlange. Soient premièrement le noir & blanc, & puis le noir & le jaune, le noir & le rouge: mais parce qu'ici le papier me manque, (dit l'auteur) je remettrai à faire cette distinction en un œuure exprés, où j'en escrirai bien au long, lequel sera non seulement très-utile, mais encore très-necessaire, & la place que je donnerai à ce traité, sera entre la pratique & la theorie.